Ma vision du GPS agricole

J’ai récemment été approché par une stagiaire en communication du Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) pour obtenir mes réponses à quelques questions.

Au lieu de lui répondre dans son document d’origine et lui retourner, j’ai plutôt décidé de partager le fruit de ma réflexion ici.  Je l’ai bonifié des hyperliens lui permettant d’explorer certaines références incluses dans le texte.

Petit Verdot

1.    Quel est votre titre au sein d’A.R.Y.A.N.E. inc. ?

Président depuis sa fondation en 1996.

2.    En quoi consiste votre emploi? Quel type de tâches accomplissez-vous dans le cadre de cet emploi?

Stratège, formateur et conférencier en développement des affaires numériques internationales.

Mon rôle est d’éduquer, d’assister et de synergiser les chefs d’entreprises et leurs conseillers stratégiques à mieux comprendre leurs GPS (Gens, Processus et Systèmes) et à améliorer leur rentabilité en affaires numériques locales et internationales.

Mes compétences et les méthodes ont été développées à partir de réelles transactions internationales conclues par et dans l’Internet.

En lien avec les nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) en agriculture :

3.    Depuis quand diriez-vous que l’utilisation des NTIC en agriculture s’est développée? Y a-t-il un « événement déclencheur » ou quelque chose de la sorte?

L’acronyme NTIC est de moins en moins utilisé.  On parle davantage de TI (Technologies d’Information).  Les TI englobent autant les systèmes téléphoniques et informatiques que l’environnement de transmission numérique qu’est l’Internet.

À votre première question, je ne saurais préciser quand son utilisation a débuté.  Je dirais que ce n’est pas différent des autres industries.  Son développement évolue de façon continue et exponentielle ces temps-ci.

Comme la dynamique des chaînes d’approvisionnement se développe en fonction des habitudes des consommateurs, ce sont ces derniers qui imposent le rythme de communications avec les fournisseurs et sont les principaux déclencheurs d’investissements en TI.

Le développement des TI est intimement associé aux besoins:

  • de communiquer efficacement entre les Gens et les Systèmes
  • de calculer et d’analyser un volume de données de plus en plus important provenant d’une multitude de systèmes
  • de maximiser la gestion écohérente du capital des agriculteurs et des transformateurs.

4.    Sentez-vous que le phénomène a tendance à prendre racine dans le quotidien des agriculteurs québécois? Pourquoi?

Je diviserais ma réponse selon deux groupes d’entreprises :  celles où l’offre est contrôlée et celles qui sont véritablement dans une économie de marché.

Les entrepreneurs du premier groupe sont plutôt lents à incorporer les TI à tous les niveaux de l’organisation.  Il y a naturellement des leaders qui les exploitent pour optimiser l’efficacité de leurs opérations.  Par contre, ils sont souvent incapables d’exploiter les TI pour améliorer la communication entre leurs pairs et/ou leurs partenaires d’affaires.

Quant aux producteurs devant gérer leur stratégie marketing, ils sont nettement plus curieux et actifs à exploiter les TI pour améliorer les communications entre leurs clients, entre eux et entre les systèmes impliqués.

Cependant, dans les deux cas, le développement de leur écosystème numérique s’effectue par l’ajout progressif de technologies en silos sans vision et sans plan d’intégration pour développer une intelligence des données générées et colligées.

5.    Sentez-vous une résistance ou une réticence de la part de certains groupes d’agriculteurs (âge, sexe, type de production, etc.)? Quel(s) est (sont) ce(s) groupe(s)?

La curiosité à comprendre et à s’améliorer n’a rien à voir avec l’âge.  Je connais des curieux  actifs de 70 ans et des jeunes professionnels dans la vingtaine qui sont déjà dans leurs « pantoufles » technologiquement parlant.

La résistance est plutôt liée à la zone de confort que la gestion de l’offre procure aux producteurs.  Sans vouloir me prononcer sur cette question, c’est une simple observation que les entrepreneurs, peu importe leurs secteurs industriels, qui ne sont pas en mode écoute active sur leurs consommateurs sont plus lents à adopter les TI.

L’autre résistance est universelle, c’est l’incapacité de la majorité des chefs d’entreprises et des conseillers stratégiques à « lire » ce qui se passe mondialement et qui affecte leur industrie…qu’ils le veulent ou non.

Par exemple, qui connaît Amazon Fresh, Amazon Wine et Amazon Supply?  En quoi ces écosystèmes numériques transactionnels influencent déjà et vont influencer les dynamiques de nos industries agricole, agroalimentaire et manufacturière?

6.    Si oui, quels sont les facteurs entraînant cette résistance? Y en a-t-il des plus récurrents ou plus forts que d’autres, à votre avis?

L’ignorance

Comme l’ignorance stimule la peur, le principal facteur de résistance est le manque de connaissances des chefs et de leurs conseillers stratégiques sur les GPS (Gens, Processus et Systèmes) en affaires numériques.

Ils doivent retrouver le goût d’apprendre de nouvelles bases et de se développer une capacité de « lire » ce qui se passe.  Il ne s’agit pas d’apprendre à programmer, mais au moins à comprendre les interactions entre les Gens et les Systèmes.

Le temps

L’autre facteur est l’inefficacité dans la gestion de leurs temps.  Ils ne s’en rendent pas compte, mais ils ont développé des habitudes souvent transmises de génération à génération sans trop les questionner.

Et c’est justement pour transformer du temps inefficace en temps de qualité que les TI peuvent être extrêmement rentables.  Les jeunes ne voulant pas sacrifier leur qualité de vie, je soupçonne même que c’est un des défis qui ne séduit pas la relève à poursuivre dans ce domaine.

Toutefois, ce n’est pas uniquement par l’ajout d’outils que cette migration de temps gaspillé en temps de valeur est possible.  C’est par l’amélioration de leurs connaissances et le changement de certaines habitudes de communications fortement ancrées

Les silos

Le dernier facteur de résistance vient des « silos » organisationnels que l’industrie s’est dotée progressivement pour répondre à des défis ponctuels.  Ces silos fournissent un certain pouvoir politique aux gestionnaires ou pouvoir économique aux développeurs de Systèmes.

Sans en être conscients, ils n’ont pas intérêt à ce que l’industrie soit numériquement plus efficace, liée et intelligente.  Une intégration intelligente de toutes les composantes de l’industrie permettrait de détecter les goulots.  La transparence et la traçabilité sont des conditions à l’intégrité transactionnelle et à la fluidité logistique.

Durant le premier colloque sur les TI organisé par le CRAAQ, j’ai publié ce Tweet: “La fondation d’une coop est fondamentalement 2.0.  La majorité des coop établies ne le sont malheureusement plus “.  On m’a demandé de préciser:  “À la fondation d’une coop, le capital important est celui des membres.  Après, c’est trop souvent celui de l’institution.”

7.    Pensez-vous que cette résistance peut diminuer?

Les agriculteurs et les “silos” n’auront pas le choix.  Même si l’Internet est tissé par des systèmes, cet environnement de communication évolue au rythme des Gens et, conséquemment,  est organique.  Comme tout environnement organique, il y aura de la sélection naturelle.

Il y aura également une pression interne provenant des entrepreneurs les plus habiles numériquement.  Ces jeunes leaders cherchent naturellement à éliminer ou contourner les silos.  Pour eux:  “Pas l’temps de niaiser“.  Ils ne cherchent pas à faire du mal, mais à ne pas perdre de leur temps précieux par des goulots qui n’ajoutent pas de valeur.  “Hacking is a mindset (for innovation), not a system

(Voici la présentation TED la plus populaire jusqu’à ce jour auquel ce conférencier fait référence:  Ken Robinson: Changing education paradigms)

Cette résistance ne diminuera pas par des campagnes de promotion, mais par l’ouverture, la curiosité de “voir” autrement, l’écoute active, l’apprentissage et l’expérimentation en réseaux.

8.    Si oui, quels seraient les moyens d’y arriver, à votre avis?

Par une académie GPS pour entrepreneurs numériques et l’animation d’un réseau de « branchés » en agriculture.

À propos de cette académie, je travaille justement sur un tel projet avec la complicité de professionnels généreux qualifiés depuis des années dans mon réseau.  L’approche pédagogique et les modes de livraisons ne seront pas conventionnels.  Je suis inspiré par un réseau d’experts en techno-pédagogie de réputation mondiale.  Nous avons simplement besoin de partenaires curieux pouvant nous fournir les ressources pour accélérer sa mise en place.

À propos d’un réseau de « branchés » en agriculture, depuis notre fameux FOCUS20 – Cultiver vos affaires dans l’Internet de novembre 2011, j’ai eu le privilège d’en découvrir plusieurs qui font maintenant parti de mon réseau.  Je suggère de débuter avec ce noyau de passionnés pour donner le goût aux autres de « goûter » au plaisir de collaborer, de penser et d’agir en réseaux.

Imaginez!  1% de curieux vraiment intéressés à mieux comprendre leurs GPS (Gens, Processus et Systèmes) et à « goûter » la satisfaction d’être en contrôle de leur temps, de leur espace et de leur performance.   Ces 1% deviendront des agents de contamination positive au sein de l’ensemble de l’industrie et une inspiration pour toute la francophonie.


Comments

2 réponses à “Ma vision du GPS agricole”

  1. Bonjour Luc,

    J’anime présentement un réseau LEAN Agriculture avec un groupe de 6 producteurs agricoles. Donne-moi plus de détails sur ton réseau de “branchés” en agriculture et je pourrai probablement t’aider à le mettre en oeuvre.

  2. Luc Gendron

    Merci Jean-Pierre pour ton commentaire.

    Si tu crois que tes 6 producteurs ont cette curiosité active nécessaire à améliorer leur GPS, nous pouvons établir les bases de ce réseau avec eux et quelques autres que je connais.

    Toutefois, la planification et l’animation d’un tel réseau ne pourra pas se faire bénévolement. Il faudra des partenaires aussi curieux d’investir et de s’investir.

    Il même possible de synergiser un tel projet avec d’autres initiatives que je pilote. Je te fais signe en privé pour poursuivre la discussion.