Ville intelligente…vraiment?

Le CEFRIO organise cet événement à l’intention des employés municipaux:  Facteurs clés de succès des projets municipaux, dans un contexte « SMART CITY ».

Une question me vient à l’esprit: est-ce que nos villes ont les GPS (Gens, Processus et Systèmes) pour espérer devenir intelligentes?

Même si ça peut être rentable politiquement d’exploiter ces “buzzwords” et comme une équipe est toujours à l’image de son chef, qui sont les maires et les conseillers capables de rendre leurs villes intelligentes?

Pour contrôler l’orientation de leurs villes, ils ne peuvent déléguer ces décisions aussi stratégiques à leurs employés.  Ils ne doivent pas non plus être simplement séduits par les arguments de vente des fournisseurs de Systèmes.

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Qui sont les focus-citoyens et non focus-carrière?

Qui sont celles et ceux vraiment curieux d’améliorer leurs GPS pour exploiter ce potentiel d’intelligence au services des Gens (citoyens et payeurs de taxes) et non au profit des Systèmes (technologies, entreprises et organisations)?

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Multi-fonctions vs intelligence

À l’instar des téléphones dits intelligents ou « smart phone »,  ce n’est pas parce qu’une ville offre du wi-fi partout et est capable de capter de multiples données qu’elle est nécessairement intelligente.

L’intelligence est cette capacité de mettre en relation et d’analyser plusieurs éléments n’ayant pas nécessairement de liens évidents pour en extraire du sens et de la valeur.  Notre cerveau analyse en simultanée les perceptions de nos 5 sens à tout moment et les interprète en fonction de notre bagage de connaissances et de souvenirs.

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L’intelligence des systèmes et la valeur ne sont pas là où l’on pense!

Pour un téléphone, ce ne sont pas les usagers qui profitent de cette intelligence, mais les propriétaires des serveurs comme Facebook ou Google.  Ils accumulent et disposent de la capacité d’analyser une quantité colossale de données sur leurs habitudes de communications, de consommation et de déplacements.

En matière d’analyse prédictive de marchés, ils connaissent davantage les tendances de consommation des québécois et des canadiens que nos gouvernements.  Comment?  Simplement par les recherches que nous faisons et les données que nous leur donnons gratuitement.

Ils peuvent même convertir la capacité de connexion des Gens peu importe où ils se trouvent en modèle d’affaires comme Google Survey.

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L’intelligence des Gens d’abord

L’intelligence d’un Système est directement liée par celle des Gens qui le développent.  Ces derniers doivent être capables de penser “en dehors de la boîte” et en réseaux; non en silos.   La rentabilité de cette intelligence sera proportionnelle à la valeur et à l’intégrité des données fournies par les Gens et les Systèmes.

Par exemple:  l’intelligence numérique d’une ville est susceptible de dévoiler des goulots d’inefficacité dans le travail des employés (bureaux et sur le terrain) ou des sous-traitants de la ville.

Est-ce que les syndicats et les fournisseurs chercheront à synergiser le réseau ou à se terrer dans leur silo?  Qu’en est-il des conseillers qui souhaiteront rétablir une gestion des communications opaque fertile à l’émergence de la corruption?

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À qui cette intelligence profitera-t-elle?

Idéalement, le concept de ville intelligente vise à améliorer l’expérience des citoyens et l’efficacité de la gestion publique.  Toutefois, à qui vraiment ce déploiement de technologies profitera-t-il?

À court terme, et peut-être même à long terme, ce seront les fournisseurs de Systèmes qui en profiteront le plus.  Lors de la ruée vers l’or, ce sont les marchands d’équipements qui se sont enrichis et non les prospecteurs.

Est-ce que les citoyens peuvent espérer une baisse marquée de leurs comptes de taxes sans affecter la qualité des services par une ville plus “intelligente”?

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Données ouvertes, mais pas nécessairement gratuites

Naturellement, pour stimuler cette intelligence, ça prend des données de multiples sources et de multiples natures.

Avec le concept de “ville intelligente” est associé celui des données ouvertes (ou libres).  Ce sont les données que les villes ont déjà sur leurs serveurs (comptes de taxes, contraventions, rapport, …) et celles qu’elles pourraient capter par de nouveaux systèmes.

Quelles seront les règles d’accessibilité et de gouvernance de ces données?  Qui pourra y accéder?  À quel prix?  Qui va payer?

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À qui profiteront les données colligées?

Les présentateurs invités à l’événement du CEFRIO sont des experts reconnues par leurs pairs.  Ils ont toute mon admiration.  Cependant, combien connaissent et ont pris le temps de lire “Who owns the future?”?

Ce livre est écrit par un des visionnaires les plus respectés à Silicon Valley.  Voici la question qui a stimulé sa réflexion et qui m’interpelle également:
“If network technology is supposed to be so good for everyone, why has the developped world suffered so much just as the technology has become widespread?”  “Was it a coincidence?”

Au-delà des Systèmes de captation et d’analyse, ce sont les données qui sont importantes à considérer.

  • Qui émettra ces données?
  • À qui appartiendront-elles?
  • À quels « serveurs sirènes » profiteront-elles?  Uniquement des serveurs publics?  Seront-ils tous en sol canadien?
  • À qui appartiendront les algorithmes (calculs mathématiques) d’analyse?
  • Quel est le niveau d’intégrité de leurs propriétaires?

Combien de maires et de conseillers disposent des connaissances de base pour leur poser ces questions et en comprendre l’importance?

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Ajutso:  aubaine ou piège?

Voici un exemple pour illustrer l’importance d’analyser le flux des données et non seulement les arguments des vendeurs.

Ajusto est un programme offert par Desjardins Assurances pour récompenser les “bons” conducteurs de véhicules automobiles.

Il s’agit simplement d’installer un équipement de contrôle télémétrique dans le véhicule d’un client pour le suivre et analyser son comportement.

L’équipement transmet automatiquement votre vitesse ainsi que votre façon de conduire.  Desjardins (Assurances) annonce que vous pourriez économiser jusqu’à 25% de la prime.  Le slogan de la campagne est “Prenez le contrôle sur votre assurance auto avec Ajusto”.

Est-ce vraiment le cas?

  • à qui appartiennent les données recueillies?

À la compagnie d’assurance? Pourtant, c’est le conducteur qui produit ces données.  L’appareil ne fait que lire et transmettre.  Il n’ajoute aucune valeur lorsque le véhicule est immobile.

  • comment magasiner la prime avec d’autres compagnies?

Pour les compagnies d’assurance, tout comme les entreprises en téléphonie et les institutions financières, la fidélité n’est pas payante pour les clients. Si vous ne magasinez pas et même si vous leur êtes fidèle depuis des années, vous n’aurez pas automatiquement la meilleure offre disponible.

Alors, comment s’assurer que cette dépendance technologique ne finira pas coûter plus cher à cause de l’incapacité de comparer des pommes avec des pommes?

  • à qui devrait appartenir l’algorithme d’analyse?

Un algorithme est un processus mesurant et calculant plusieurs paramètres.

Pour le moment, il appartient à la compagnie d’assurance.  Cependant, que pensez-vous d’un algorithme d’analyse de risque disponible en codes sources ouverts et des données transmises à la SAAQ sous la surveillance d’une ressource tiers comme le Protecteur du citoyen?

Les compagnies d’assurance pourraient l’optimiser ensemble et auraient alors une base commune pour concocter leurs offres aux clients.  Ces derniers ne seraient pas pris en captivité par une seule compagnie.

Ces données valent de l’or.  Le réalisez-vous?

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Voulez-vous être un dirigeant numérique ou dépassé?

Une ville ou une entreprise intelligente passe par celle des communications entre les Gens d’abord!

Avant de déployer des technologies, il faudrait disposer d’un “cerveau” de communications internes entre toutes les parties prenantes à la saine gestion d’une ville.  En complément, il serait pertinent d’établir une liste de priorités des problèmes à régler et de la valeur à livrer aux Gens (clients ou citoyens) pour programmer ce « cerveau » .

Installer des Systèmes est relativement facile.  Le défi se situe dans l’acquisition de nouvelles connaissances numériques, du développement d’une culture de transparence et dans le changement d’habitudes de communications des Gens.

Le développement d’une ville ou d’une entreprise intelligente débute par la formation des Gens qui la dirigent et qui livrent des services; non par le déploiement de technologies.

Il ne faut pas être intimidé ou hypnotisé par le discours des experts qui veulent accélérer le processus.

Qui sont les élus, les chefs d’entreprises, leurs dirigeants et leurs conseillers stratégiques qui veulent s’investir à relever ces défis en contrôle des stratégies et non à la remorque des fournisseurs de technologies?  Qui souhaitent transformer leur confusion pour diriger en confiance?

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Québec Top 7 des villes intelligentes en 2012

Un petit clin-d’oeil à mes amis de Québec.  L’intelligence de votre ville ne réside pas dans l’intégration des systèmes, mais dans la fluidité des communications entres les leaders.  Pendant que le maire de Montréal en parle, vous êtes déjà en route.

; -)

MAJ  Je vous recommande chaleureusement ces entrevues réalisées par Rémy Perras de aumicrophone.com :


Comments

4 réponses à “Ville intelligente…vraiment?”

  1. François Prégent

    Pour rendre une ville intelligente, je crois qu’il faudra s’entendre sur certaines croyances et valeurs de base, et sur notre intention première et les moyens pour y arriver. Nous avons des projets de société sur lesquels nous ne nous entendons pas au niveau de la stratégie à utiliser (les processus et les systèmes). Aussi, par rapport aux gens, il faudrait s’entendre sur la participation de gens dont l’intérêt est altruiste.

  2. Luc Gendron

    Merci François pour ton commentaire.

    Je suis d’accord avec toi. L’émergence d’une ville intelligente devrait être encadrée par un réseau de citoyens qui pensent aux autres à long terme et non au simple profit à court terme.

    Leurs perspectives d’observations et d’analyses devraient être aussi diversifiées numériquement que sur le terrain.

    Pour y arriver, ça nous prend des politiciens visionnaires capable d’éviter la tentation d’intégrer des « buzzwords » dans leurs programmes sans en comprendre toute la portée simplement pour nourrir leur capital et leur carrière.

    Auront-ils l’humilité d’avouer leur ignorance et la volonté d’investir à comprendre plutôt que de confier des mandats aux experts de Systèmes qui tournent déjà autour d’eux? Sinon, la facture risque d’être salée à court et à long terme.

    L’altruisme, l’écohérence et la diversité des acteurs sont des conditions pour optimiser l’intelligence collective humaine avant de la numériser au profit de notre qualité de vie et de notre richesse collective à long terme.

    En référence aux menaces réelles soulignées dans le livre Who owns the future?, je poserais la question suivante: « Who owns the future of our cities? »

    Nous planifions justement un mastermind FOCUS20 au sujet de ce livre.

  3. Michel Dufresne

    Le projet d’une ville intelligente est pour moi un projet de société, un mode de vie et de communication. Le temps idéal pour créer un projet rassembleur.

    Un projet qui permet à tous d’avoir une voix et un rôle à jouer. De réinventer la communication entre le monde politique, les affaires, les organismes et la population.

    Un projet de ville intelligente doit être fait pour les bonnes raisons, celui des G (population) pour améliorer les P (relations) entre chaque individu et ainsi établir une communication (S) bidirectionnelle et égale entre toutes et tous.

    Ce sera le début d’un nouveau modèle social, économique, politique et culturel.

  4. Luc Gendron

    Merci Michel pour ton commentaire.

    En théorie, c’est un projet porteur.

    En pratique, ça risque d’être un buzzword qui nous coûtera des milliards collectivement. Les G en contrôle n’ont pas les connaissances pour critiquer ce que les fournisseurs de S présenteront. Sans une séquence d’analyse GPS, c’est toujours le S qui s’enrichit à court terme.

    Il y aura une multiplication de capteurs de données et d’applications pour les exploiter, sans chercher à valoriser les G qui les financent.

    Les réseaux sociaux ont multiplié les possibilités d’interactions. Est-ce qu’ils ont vraiment amélioré la communication et le savoir-vivre entre les gens?

    L’Internet devait démocratiser l’accès à l’information et donner plus de pouvoir aux usagers. Jusqu’à présent, il profite largement aux serveurs sirènes capables d’exploiter le flux d’information qui circule sans rémunérer les producteurs.