Co-écrit en étroite collaboration avec Angel Ruiz et Jean-François Bélisle, voici le quatrième d’une courte série de cinq(5) billets inspirés du thème: Intelligence des systèmes en approvisionnement (Big Data / BI)
Mise en contexte
Vous avez reçu une soumission provenant de deux fournisseurs (A et B) avec sensiblement les mêmes caractéristiques:
- produit ou service à un prix équivalent
- ils se trouvent dans un rayon de 50 km de votre entreprise
- ils ont un service à la clientèle équivalent
- ils possèdent le même nombre d’années d’existence
Toutefois,
- le fournisseur A a un historique de facturer des “extras” équivalents en moyenne à 15% du montant de sa soumission originale tandis que le fournisseur B livre son travail à l’intérieur des prix soumis.
- le fournisseur B répond à vos requêtes en moins de 30 minutes après la transmission d’un courriel tandis que le fournisseur A répond toujours que le lendemain
- le fournisseur A vous coûte en moyenne 30% de plus en temps de suivi par votre personnel que le fournisseur B
- les évaluations de qualité du fournisseur B sont toujours supérieures de 50% à celles du fournisseur A
- le propriétaire du fournisseur A a été accusé de corruption suite aux enquêtes de l’Escouade Marteau, mais pas le fournisseur B
- le fournisseur B vend également à l’international et est un membre C-TPAT de niveau 3
Est-il possible qu’à la fin du contrat, un fournisseur vous coûte plus cher que l’autre?
Est-ce possible qu’un fournisseur représente un plus grand risque que l’autre?
Est-ce que possible que les prix soumis soient conformes aux devis mais n’aient pas la même valeur?
Évidemment! Cependant, ce n’est pas une mince affaires d’établir l’équation pour y parvenir.
Coût total d’approvisionnement ou plus bas soumissionnaire conforme?
Dans une discussion du groupe LinkedIn Approvisionnement public, Nicolas Bernard a récemment posé les deux questions suivantes: Coût total d’acquisition ou plus bas soumissionnaire conforme? Qu’en pensez-vous?
Voici une partie de ma réponse:
“Baser l’adjudication d’un contrat sur le plus bas soumissionnaire est une approche archaïque injustifiée en 2013. Sans vouloir vexer personne et parce que j’interviens principalement dans le secteur privé, elle démontre le profond analphabétisme en affaires numériques du gestionnaire en approvisionnement.”
L’établissement du coût total d’approvisionnement exige plus de rigueur à analyser les paramètres avant, pendant et après l’adjudication d’un contrat. Certains des paramètres les plus importants sont tout simplement “invisibles” ou ignorés par le gestionnaire en approvisionnement.
Quels sont ces critères?
La valeur d’une équation ne réside pas uniquement dans ses règles, mais dans les données considérées au départ. Quelles données devrait-on considérer pour évaluer le niveau d’intégrité d’une entreprise et la valeur réelle d’une soumission?
Un point de départ est la gestion de l’adjudication des contrats à la fin des soumissions. Si vous n’êtes pas capable de confirmer le contrat au plus bas soumissionnaire immédiatement après la réception des soumissions, c’est que vous avez omis des critères à inclure dans votre devis. L’omission de ces paramètres dans le devis initial se traduit inévitablement par une incapacité d’attribuer le “vainqueur” sur le champ. Pourquoi pensez-vous que plusieurs donneurs-d’ordre ne s’engagent pas à donner le contrat au plus bas soumissionnaire?
C’est encore plus évident dans le cas d’une enchère inversée. Comme le processus est numérique et se déroule en quelques minutes ou quelques heures, le plus bas soumissionnaire conforme est obtenu très rapidement. Le gagnant s’attend de recevoir un courriel dans les minutes qui suivent la fin de l’enchère. Toutefois, il est fréquent de constater que les gestionnaires en approvisionnement soient capables d’attribuer le contrat immédiatement après ce processus. Pourquoi?
Ces critères peuvent être liés à ceux sous-entendus dans la mise en contexte précédente: taux des extras facturés par contrat, la vitesse de réponse à vos requêtes, les évaluations antérieures de performance ou les condamnations des propriétaires.
Critères GPS?
Une façon efficace pour déterminer ces critères est d’en faire le tour en équipe dans la séquence suivante:
Gens
- niveau de fiabilité et d’intégrité des propriétaires des entreprises
- culture orientée clients
- niveau de littératie numérique du chef et de son personnel
- niveau de qualité des communications avec eux
Processus
- processus de communications “lean” à l’intérieur de leur organisation
- cartographie des flux d’échanges d’informations avec leurs clients
- niveau de rigueur de leur processus de gestion de projets
- taux de respect des échéanciers et des prix soumis
- processus de veille des meilleures pratiques dans leur domaine
- normes de gestion d’intégrité gérées avec rigueur
Systèmes
- accès à leur système de gestion de projets
- système de gestion de la relation avec leurs clients
- capacité de collaborer en ligne peu importe leur localisation
- capacité de lier vos systèmes de gestion au besoin
Est-ce que le passé est garant de l’avenir? Les comportements et les résultats passés sont sûrement de bons indicateurs des habitudes d’aujourd’hui. Toutefois, une entreprise peut changer de GPS suite à un changement de propriétaires. Est-ce considéré dans l’équation?
Pour qualifier, que préférez-vous? La perfection ou la transparence?
Ce qui est numérisé est mesurable et analysable
L’intention n’est pas d’être exhaustif dans l’énumération des critères et des données à considérer, mais de vous stimuler à trouver et à mesurer des critères que vous considérez instinctivement ou qui vous sont actuellement “invisibles” et que vous ne mesurez pas systématiquement.
Ces critères peuvent être intégrés dans le développement d’un algorithme d’analyse d’un contrat avant, pendant et/ou après l’attribution. Ils peuvent également être intégrés dans un système de pondération numérique des soumissions reçues.
Comme la gestion de l’intégrité des données est un enjeu mondial et un défi constant, une autre source d’inspiration pour identifier les critères pertinents est l’industrie des technologies d’information. Cette industrie doit s’ajuster plus rapidement que toutes les autres.
Sans prétention
Je suis ni un mathématicien, ni un programmeur. Toutefois, ça ne m’empêche pas de réaliser l’importance stratégique d’une telle capacité d’analyse et de développer mes compétences dans ce domaine.
Je vous invite donc également et simplement à réfléchir en-dehors de vos silos de connaissances et d’habitudes autant à l’intérieur de votre organisation qu’à l’extérieur, autant “en-ligne” que “hors-ligne”.
(Auteur de ce billet: Luc Gendron)
——————————
Billets déjà publiés:
- Êtes-vous un professionnel numérique ou dépassé?
- L’intelligence de vos systèmes est-elle limitée par la vôtre?
- Transformer la culture de gestion des urgences en anticipation de tendances : un point de départ
Billet à venir:
- Savoir écouter activement vos clients sur le web pour ajuster vos stratégies en approvisionnement