Depuis quelques semaines, je synergise la réflexion stratégique de leaders en innovation appliquée au Québec avec mon périscope numérique. Comme je recherche toujours à faire une analyse systémique au départ et histoire de stimuler l’intelligence collective de mon réseau, j’ai posé la question suivante sur ma page Facebook et directement en privé:
Si vous aviez les pouvoirs politiques et financiers entre les mains, quelles seraient vos trois priorités pour développer un écosystème d’innovation au Québec apprenant, intelligent et performant?
Leurs priorités ont été regroupées selon six(6) thématiques et publiées dans un ordre décroissant du nombre de propositions.
1- Investir sur les gens d’abord
- Éducation : développement des facultés; non seulement des savoirs.
- Formation – formation – formation.
- Enseigner le Design Thinking ou tout autre démarche permettant d’encadrer le processus d’innovation dans les dernières années du secondaire. Ainsi, la population connaîtra une méthode d’identification de problèmes, de génération de solutions, de prototypage et de tests qui leur servira toute leur vie, peu importe la carrière choisie.
- Réduire une bonne partie des inégalités sociales qui plombent l’éducation et l’apprentissage, qui empêchent de jeunes hommes et de jeunes femmes d’accéder à un certain niveau intellectuel qui leur permettrait d’acquérir un jugement critique. Un citoyen possédant un bon jugement critique, est un citoyen d’autant informé qui agit sur sa propre société.
- Développer l’esprit critique tout en augmentant l’ouverture d’esprit de toute la population.
- Comme Les sciences sont à la base de la recherche, qui elle est à la base de l’innovation, valoriser les sciences et les technologies auprès des jeunes et de la population étudiante. Développer des stratégies d’attraction avec un effort particulier pour les jeunes filles qui sont sous-représentées.
- L’accessibilité aux études supérieures (2ieme et 3 ième) doit être valorisée et facilitée. La recherche est un domaine mondial. Les bases de comparaisons utilisées par les étudiants se situent ailleurs au Canada et dans le monde. Alors qu’ici au Québec le débat se situe au niveau de l’accessibilité des études universitaires, le domaine de l’innovation exige plutôt l’excellence en recherche. Les données le disent, les sciences et le génie sont nettement sous-financés par rapport aux autres provinces. De plus, du fait français qui est présent au Québec, il faut comprendre que nos universités recherchent des étudiants qui parlent français et ces derniers comparent nos programmes à ceux de l’Europe francophone. Le cout des études supérieures en Europe est presque gratuit. Plus de 53% des étudiants aux cycles supérieurs ( 2ieme et 3ieme cycle de Poly) sont des étudiants étrangers. On ne peut donc faire fi de cette réalité. Par chance un très grand nombre demeure ici et demande leur permis de résidence permanent et développe leur produit au Québec.
- Améliorer l’accès des PME aux universitaires en recherche fondamentale.
MAJ (Mise-à-jour)
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Camp de formation en affaires numériques internationales pour les députés de tous les partis politiques et les leaders en innovation au Québec;
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Camp d’entraînement en Design Thinking : former un maximum de professionnels pour animer ce processus d’émergence et d’accouchement de l’innovation;
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Projets d’innovation impliquant des passionnés de culture, de sciences, d’éducation, de philosophie, de sociologie avec des entreprises;
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Cours d’écoute active (au-delà des mots, des sons et des images) dès le secondaire;
- Réseau des meilleurs détecteurs de problèmes (pas de symptômes) dans nos écoles, nos institutions et nos entreprises.
- revenu minimum garanti revenu minimum garanti pour tous les citoyens, peu importe leur classe sociale . Cette mesure plaira autant à la gauche (réduire les inégalités sociales) qu’aux libertariens (donner à chaque individu la capacité de devenir entrepreneur de lui-même, maître de son destin et architecte de sa vie). En procédant ainsi, on met de côté tous les programmes d’assurance chômage ou emploi et de bien être social qui coûtent une fortune à administrer et qui servent à stigmatiser une bonne part de la population. En procédant ainsi, on permet à chaque individu de se prémunir des aléas de l’économie et de la finance mondialisée. En procédant ainsi, on donne la possibilité à chaque individu de retourner sur les bancs de l’école et de changer de carrière, si tel est son désir, etc., etc., etc. Pour que la créativité suive, il faut des conditions sociales favorables à son émergence. En réglant à la source ce qui provoque les inégalités sociales, on vient de résoudre à la source une bonne partie de ce qui empêche le Québec d’apprendre, d’innover et d’être performant
- Crédits R&D accordés sur des projets qui viseraient à résoudre des problématiques qui ont été compilées par la population (genre UserVoice).
- Augmenter ces crédits ciblés pour s’assurer qu’on invente les premiers des trucs règlements utiles et appliqués. Par conséquent, réduire les crédits accordés sans égard à la valeur commerciale.
- Diminuer les importations et la dépendance aux marchés extérieurs.
- Décider en fonction des coûts totaux d’approvisionnement ; non des simples coûts d’acquisition
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Recherche des questions (défis, problèmes) sans réponses dans les forums professionnels et environnements d’innovation ouverte dans l’internet;
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Coopérative en propriétés intellectuelles pour les PME;
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À l’instar de la NASA (1200 brevets), accès sans licence des propriétés intellectuelles “tablettées” depuis trop longtemps dans nos universités pour la création de nouvelles entreprises (startups).
- Instauration d’un temps de rencontre périodique (hebdomadaire? mensuel?) dans un Fab lab, autour d’un café et avec des gens de tous les horizons. L’innovation demande du temps et des gens : la créativité suit.
- Avoir des lieux d’échanges ”trippants” dans chaque municipalité (ex café-bistrot avec une mission d’engagement social).
- Initiatives inspirées de Je Fais Montréal et TedX Québec.
- Mandater des organismes locaux dédiés à l’entrepreneuriat d’organiser et de promouvoir des BarCamp. Il importe que les innovateurs puissent parler de leurs idées afin de les tester et les améliorer.
- Développer un réseau similaire à UbiFrance pour aider et accompagner (démarchage, bureaux à frais modiques) les PME à commercialiser leurs technologies à l’étranger.
- Réseau d’espaces FOCUS20 dédié à l’innovation et l’excellence
4- Investir dans la mise en marché des innovations
- La mise en marché de l’innovation doit être au cœur de la stratégie entrepreneuriale
- Il faut ensuite faire le lien avec le marché et la commercialisation de l’innovation. L’entrepreneuriat est la base du développement de marché et la mise en œuvre d’innovations. Pourquoi au Québec avons-nous un taux autour 5% et qu’en Israël par exemple ce taux se situe à 65% pour les intentions des jeunes à créer leur entreprise ? L’emploi et le potentiel de revenus serait ’il trop attrayants et faciles au Québec (taux de placement de 96% pour les finissants de Poly) ? À un point où l’entrepreneuriat n’est pas attirant. Avons-nous les mécanismes qu’il faut pour faciliter l’entrepreneuriat? Innovation est le mot clé dans la question. Pour moi l’innovation se concrétise lorsqu’un lien se fait entre la recherche et la mise en marché. C’est à ce moment que l’innovation prend forme et peut se déployer.
- Établir un réseau d’accès des marchés locaux aux entreprises d’ici
5- Communiquer pour inspirer l’écosystème
- Cerner et promouvoir le talent de chaque municipalité pour augmenter la fierté et l’engagement des citoyens.
- Célébrer, promouvoir et en communiquer la valeur ajoutée collective de ces projets pour modifier la culture existante qui en est une de statu-quo et d’immobilisme crée par les groupes d’intérêts.
6- Créer une politique en recherche, développement et entrepreneuriat
- Réussir à créer un écosystème se fera lorsque nous aurons une véritable politique québécoise en recherche, développement et entrepreneuriat qui tiendra compte de ces facteurs et sûrement quelques autres oubliés. Il y a de nombreuses initiatives individuelles actuellement qui sont en place au Québec afin de faciliter cela. Mais sont-elles bien coordonnées ? Se complètent-elles ? Existe-t-il une forme de cannibalisme ? Une politique québécoise pourrait peut-être devenir un catalyseur important à la mise en place d’un écosystème d’innovation.
- Designer industriel
- Chef d’entreprise en T.I. et leader engagé dans sa communauté
- Doctorant en sociologie et pédagogue
- Enseignante innovante
- Consultante et ex-chef d’entreprise manufacturière
- Chercheur à la polytechnique
- Chef d’entreprise en T.I. et co-développeur d’une plate-forme d’innovation ouverte
- Ingénieur mécanique, prospectiviste et modélisateur de l’écohérence*
- PhD en innovation ouverte dans le contexte des PME
- PhD en innovation technologique
- MBA passionné en gestion des organisations
*L’écohérence est l’équilibre entre les performances économiques, sociales et environnementales. C’est l’économie rendue cohérente avec l’écologie et la communauté.
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Les gens avant les systèmes
Je n’ai pas été surpris de réaliser que la majorité des priorités était destinée à améliorer la formation des gens, leur condition de vie et les communications entre eux.
Ces priorités constituent autant d’inspirations pour la suite du récent Forum des Idées – Un système d’éducation pour le 21e siècle que pour alimenter la proposition de Mme Maryse Alcindor de doter le Québec d’une politique de la créativité.
Quelles sont mes trois priorités? Je vous laisse digérer celles de ces généreux contributeurs et d’ajouter les vôtres dans les commentaires. Je vous partagerai les miennes dans le prochain billet. 😉
Comments
5 réponses à “Priorités pour l’écosystème d’innovation au Québec”
Bonjour Luc,
Je suis probablement blasé par mes propres mauvaises expériences, mais j’ai l’impression que certaines des priorités énoncées dans ton billet relèvent de l’utopie. (Moi, j’aime l’utopie, mais avec un peu de sucre pour couper l’amertume.)
Les initiatives de “Think Tank” que je connais sont généralement organisées et/ou récupérées par des entités qui ont pour but premier d’améliorer leur propre situation. C’est la nature humaine. Organiser, centraliser, imposer. Et les gens adorent se faire organiser.
Je suis à la traîne, mais j’aimerais ajouter à cette liste de priorités deux choses :
– les démarches légales nécessaires pour obliger les gouvernements à adopter des logiciels libres
– enseigner les bases de la programmation dès le premier cycle.
L’éducation, c’est important, mais pas seulement pour les travailleurs spécialisés. Savoir comment fonctionnent les choses rend chaque citoyen plus responsable et autonome et cette autonomie rend la vraie collaboration possible.
Merci Jean-François pour tes commentaires et pour tes deux propositions intéressantes.
La vision est une force d’attraction vers laquelle tendre, mais qu’on atteint jamais. Est-ce de l’utopie pour autant? Pour réaliser de grandes innovations, il faut avoir de grandes ambitions.
Je préfère être idéaliste voire même un peu naïf et essayer qu’être désabusé et fataliste. Les plus grands voyages commencent toujours par un premier pas.
Je ne m’arrête pas aux “entités” (systèmes), mais aux gens qui influencent leurs orientations. Comme ces gens changent, j’ai espoir que la destination et les véhicules pour s’en approcher peuvent évoluer.
Bonjour Luc,
Je note avec grand plaisir que le thème de la formation-apprentissage est au premier plan des préoccupations de tes répondants sur le sujet de l’innovation au Québec. Je crois fermement que le développement d’une société passe par le développement des individus bien avant l’intervention étatique, quoique, parfois nécessaire.
Avec les nouveaux écosystèmes d’apprentissage, MOOC, SPOC, FabLab, utilisation des réseaux sociaux, blogs, publications de vidéos sur YouTube, participation à des forums, espaces de co-working, chacun peut désormais partager facilement ses connaissances. Ces outils s’inscrivent dans le pari de l’intelligence collective, en donnant à tous la possibilité d’être à son tour sachant et apprenant.
Toutefois, il ne faut pas succomber au mirage créé par le mythe d’ubérisation. D’un côté, ces plates-formes créent quelques emplois ultra-qualifiés, d’un autre, elles en détruisent massivement en prenant des parts de marché aux universités et CEGEP embourbés dans l’immobilité et l’attentisme.
Un apprentissage réussi doit s’appuyer sur une architecture, et sur des méthodes, objectifs et finalités (devis de connaissances, devis pédagogique, devis médiatique) clairement définis. Le fait de proposer des contenus n’est pas suffisant pour susciter l’envie d’apprendre, et la construction sociale de communautés apprenantes et collaboratives nécessite de réelles compétences en matière d’ingénierie pédagogique. Au réel, les enseignants doivent en permanence ajuster la conception initiale à la réalité de la situation et à la réalité des apprentissages. Le pédagogue reste un incontournable. Toutefois, il doit tout de même faire évoluer ses pratiques pour s’adapter aux nouveaux outils et à l’évolution des manières d’apprendre.
Si le pédagogue et les apprenants sont en première ligne dans la réussite d’un dispositif d’innovation, d’autres acteurs ont également un rôle clé à tenir. Notamment le gouvernement, les institutions d’enseignement et le privé doivent s’impliquer dans la création de tiers lieux de discussion et de partage d’expériences innovantes accessibles à tous géographiquement et prévoir une reconnaissance des acquis pour les participants. L’isolement professionnel, déqualifie, disqualifie et conduit souvent à l’exclusion. La formule du courtage de connaissances est à explorer.
Tout comme toi, les gens avant les systèmes.
Salutations !
Salut Luc,
Billet fort intéressant, s’il en est!. Je suis d’accord avec Jean-François et toi. Oui, une utopie, et oui, il faut bien une vision. Je nuancerais en disant plutôt que l’éducation s’appuie sur des valeurs phares de l’ordre du beau, du vrai, du bon, de la justice, etc. (y a rien de plus hellénistique…!), et sur bien d’autres choses inspirantes!
Je retiens deux points de ton billet, les # 2 et #6. Pour le #2, comment faire émerger l’innovation? En fait, il s’agit de savoir si l’innovation est un processus ou un résultat… ou autre chose. Faire émerger l’innovation, c’est provoquer des conflits cognitifs engendrant de nouveaux apprentissages. Or, en accord avec la 2e loi de la thermodynamique, où tout tend vers l’inertie, les raccourcis expriment bien ce point parce qu’ils illustrent bien souvent la loi du moindre effort… Bref, qui dit émergence de l’innovation, dit aussi changements sociaux, économiques, politique, etc. Bien des gens préfèrent plutôt l’immobilisme…
Pour le #6, il y a absence d’une telle politique au Québec. Peut-être aussi absence de politiciens formés à l’innovation. A contrario, s’il y avait une compétence forte en innovation en politique au Québec, pourrait-elle rester cachée?
A+
[…] P.S. J’ai mis mon grain de sel dans en MAJ (Mise-à-jour) du billet précédent. […]